La liste des œuvres-partenaires est un outil pour approfondir la Fresque de Tripoli. Elle documente également d’où vient le regard de celui qui a regardé Tripoli. Présente également dans le livre, vous en trouverez ici la version mise à jour (mars 2025) et définitive.

* Œuvres connues après mon départ de Tripoli

. Rigodon Louis-Ferdinand Céline

. Eyes Wide Shut Stanley Kubrick

. Le vent se lève Hayao Miyazaki

. Harry Potter J. K. Rowling | 01

Trois remarques sur Harry Potter : 1. On parle d’un type de roman qui exige du public un effort, celui d’accepter le monde proposé par l’autrice. Le génie de Rowling est d’avoir réussi, plus que les autres, à faire un monde qui tient, qui permette au public de l’explorer et de sentir ce que cela fait d’y habiter. 2. Rowling n’écrit pas « sur des thématiques ». Elle écrit une vie, dans laquelle on trouve une infinité de thématiques entremêlées. 3. La structure des sept tomes, correspondant aux sept années qu’Harry passe à l’école, change de forme en même temps que le personnage grandit.

. Zloty Tomi Ungerer

. Donda Ye

Bande-son officieuse de la Fresque. Long comme une odyssée, hétérogène comme les contradictions d’une vie, efficace comme un évangile. Écouté en boucle durant l’année à Tripoli et pendant la composition.

* Les Blancs, les Juifs et nous Vers une politique de l’amour révolutionnaire Houria Bouteldja | 01 . 02

* Un féminisme décolonial Françoise Vergès | 01

* Les Damnés de la Terre Frantz Fanon | 01

. Yeezus Kanye West

* Résister au désastre Dialogue avec Marin Schaffner Isabelle Stengers

* La résistance des bijoux contre les géographies coloniales Ariella Aïsha Azoulay

* Les Évangiles Traduits du texte araméen présentés et annotés par Joachim Elie, Patrick Calame

. The Life of Pablo Kanye West

. Crime et Châtiment Fédor Dostoïevski

Je connais Dostoïevski par les traductions d’André Markowicz. Au-delà des romans eux-mêmes, ce sont les commentaires du traducteur, utiles, allant à l’essentiel, qui m’ont marqué. Notamment la postface de Crime et Châtiment, dont je trouve des échos dans la Fresque.

Quelques références autour du Moyen-Orient, pour commencer et/ou approfondir.

. A history of modern Lebanon Fawwaz Traboulsi

. La Jambe sur la jambe Faris Chidyaq

* The Revolution of 1936-1939 in Palestine Background, Details, and Analysis Ghassan Kanafani | 01 . 02

. la Question de Palestine Tome premier 1799-1922 L’invention de la Terre sainte Henry Laurens

* la Question de Palestine Tome deuxième 1922-1947 Une mission sacrée de civilisation Henry Laurens

* How the West Stole Democracy from the Arabs the Syrian Congress of 1920 and the Destruction of its Historic Liberal-islamic alliance Elizabeth F. Thompson

. La coquille Prisonnier politique en Syrie Moustafa Khalifé

Liste non exhaustive d’œuvres qui influencent la composition de mon travail (depuis le cadre des photographies à la structure des projets). Certaines sont plus importantes que d’autres : Yeezus a changé ma vie il y a onze ans. Stanley est un de mes frères d’images. Tomi est mon dessinateur favori. Un génie de la mise en page et de l’art de faire correspondre images et textes. Son œuvre est un trésor de vie.

. Les saisons - Le dénombrement de Bethléem - Le repas de noces - La danse des paysans Pieter Bruegel

. London A Pilgrimage Gustave Doré, Blanchard Jerrold | 01

. Vie de la Vierge Albrecht Dürer

. La trace du papillon Pages d’un journal (été 2006 - été 2007) Mahmoud Darwich

. One flat thing, reproduced William Forsythe

. Vision of the Lakota world Black Hawk

. Architectures Office for Metropolitan Architecture

. Full Metal Jacket Stanley Kubrick

C’est mon père qui m’a fait découvrir les films de Stanley. Il a eu le choc Kubrick à quinze ans avec 2001, l’Odyssée de l’espace. C’était au Rialto à Nice. Moi je ne les ai pas aimés au début. Mon premier grand choc au cinéma c’est lorsqu’il m’a emmené voir The Tree of Life de Terrence Malick. C’était au Rialto à Nice. 

En 2018 j’ai réessayé. Barry Lyndon par exemple, qui m’avait tant ennuyé, m’a fait vivre intensément pendant trois heures. Comme un décollage du canapé, en apesanteur, transporté, transformé, les yeux et les oreilles comme ouverts pour la première fois. Je ressentirai violemment l’atterrissage brutal, habituel chez Kubrick. Grâce à lui (puis Rowling) je comprendrai le pouvoir d’une excellente histoire. On n’est pas seulement « emporté dedans », c’est la réalité de l’histoire et ses personnages qui débarquent chez nous.

À la suite des débarquements j’ai commencé à lire sur Kubrick. J’étais déçu. Ni les analyses de spécialistes ni les interprétations délirantes ne m’intéressaient. J’ai voulu contribuer, dire ce que je voyais. J’ai mis de côté mes photographies et six mois plus tard je publiais sur internet une étude, les Notes vocales. Six heures au total. Il me semblait qu’en travaillant à bien décrire les œuvres, on laissait plus de place à des analyses et interprétations saines.

On réduisait trop souvent les innovations de Kubrick à des aspects techniques. Je préférais regarder du côté de la structure des œuvres. On se rend compte que les grands chefs-d’œuvre ont en commun, non pas d’être des ruptures pleines de nouveautés, mais plutôt des œuvres qui synthétisent, et souvent améliorent, des choses déjà existantes. Du moins c’est ce que j’observais…

J’ai voulu dire en quoi Eyes Wide Shut était l’un de ces rares chefs-d’œuvre. Pour cela, je devais m’appuyer sur d’autres œuvres-qui-synthétisent du même calibre. L’approche multidisciplinaire était très nourrissante. Par exemple, afin de comprendre les innovations dans la structure des scènes, je faisais un détour par le roman Rigodon de Céline, puisque lui-même y menait une innovation similaire. Pour montrer le chemin parcouru par Kubrick entre 2001, l’Odyssée de l’espace et Eyes Wide Shut, je m’appuyais sur le chemin parcouru par Michel-Ange entre les plafonds de la chapelle Sixtine et son Jugement dernier. Je disais qu’ils s’étaient distingués dans leurs pratiques, car ils organisaient les éléments différemment. La forme qui apparaissait leur permettait de synthétiser une palette immense de couleurs et de pousser aux limites certaines caractéristiques de leurs pratiques. La profondeur sans fin de leurs œuvres était liée à la forme qu’ils trouvaient.

En décrivant, je trouvais des motifs qu’apparemment aucun spécialiste n’avait remarqués. J’étais heureux et fier, persuadé d’être plus intelligent qu’eux. Aujourd’hui je sais que le côté théorique du projet était bancal. Je m’y trouve étourdi, immature. Il y a beaucoup d’erreurs.

Pendant ces six mois, il m’arrivait de regarder Eyes Wide Shut quatre fois par semaine. Parfois en coupant le son pour mieux voir le rythme du montage (parfait), parfois en me concentrant sur les acteurs et actrices (aussi subtils que la vie). Les motifs qui se répétaient tout au long du film étaient inscrits dans la structure si clairement, que je pouvais y voir Kubrick organiser son chef-d’œuvre.

Comment fait-on pour être autant en synergie avec son œuvre ? C’est le film où Stanley retourne après des décennies dans sa ville natale, New York. Parmi les motifs, il y a toute une série de détails autobiographiques qui sont comme gravés, cachés dans les plis du film. C’est très fin, très subtil. À chaque fois que je voyais l’un de ces motifs, j’avais l’impression de découvrir un secret. . À propos de Full Metal Jacket, je disais dans les Notes vocales que c’était comparable à l’Illiade d’Homère. Je le pense toujours. C’est beau, profond et vivant à ce point-là. Ce qui nous intéresse ici c’est que Full Metal Jacket est un chef-d’œuvre de description. Il excelle notamment à nous faire vivre les terrains, les espaces où se joue l’histoire. Dans la dernière partie par exemple, on peut ressentir pas à pas le déplacement des soldats. C’est un film étrangement terrestre. Je l’ai regardé récemment et c’est peut-être l’influence numéro un de la Fresque.

Je raconte tout ça parce que Notes vocales a été mon premier travail de description, bien avant la Fresque. Et que l’un de ses grands problèmes était de ne pas avoir une présentation de celui qui décrivait. Autrement dit, je ne parlais pas de moi. Le problème est maintenant réglé. Cependant, si les images de la Fresque en disent long sur le photographe, la présentation reste incomplète. La Fresque de Tripoli n’est qu’une partie de l’histoire. Si l’on veut continuer, il serait utile de voir ce que le photographe regardait avant d’arriver à Tripoli.

. Arzach Mœbius

. Ma vallée - Mô-Namour - Mouha Claude Ponti

. Das Große Liederbuch - Babylon - Papaski - Otto - Maître des brumes Tomi Ungerer

Ma vallée, mis devant mes yeux par ma mère, est sortie quand j’avais six ans. C’est l’un de mes premiers contacts avec une grande œuvre (les autres étant celles de Miyazaki). Il est très bien composé, innovant d’un point de vue narratif. Bien sûr je ne comprenais pas pourquoi, mais je devais le ressentir, car les images sont restées en moi. Je l’ouvre toujours et, ayant fini la maquette de mon livre, découvre l’influence indiscutable.

. D’une Chine à l’autre - À propos de l’U.R.S.S. - Images du Pays Franc Henri Cartier-Bresson

Je crois qu’Henri Cartier-Bresson n’est vraiment génial que lorsqu’il raconte des histoires avec un reportage construit comme un ensemble cohérent. En voici trois exemples. D’une Chine à l’autre date de 1948-1949, publié en 1954. Il est présenté comme « le Journal de voyage en Chine tenu, surtout en images, par un reporter photographe ». « Journal » ne veut pas forcément dire « Journal intime », et celui-ci en est la preuve puisque vous n’y trouverez absolument rien d’intime sur sa vie. Aujourd’hui il est disponible dans le livre CHINE, 1948-1949/1958 édit. Michel Frizot, Yi-lung Su. L’édition originale est parfaite au niveau de l’editing des images. C’est un excellent exemple de la manière particulière qu’a la photographie de reportage de faire le temps, et qui n’a pas grand-chose à voir avec les rythmes du documentaire. L’édition récente (avec un editing différent) est accompagnée d’un travail de recherche passionnant et utile. À propos de l’U.R.S.S. date de 1972-1973. Il amène très loin ce que peut être le reportage photographique. Images du Pays Franc (1976-1977) n’a jamais été réexposé ni publié. Les photographies de ce reportage sur le Nord-Pas-de-Calais sont selon moi ce que Henri a fait de mieux. Qui a l’œil le sait. Elles sont aussi les plus ignorées. Les images avaient « été présentées de 1977 à 1982 dans 76 villes différentes », mais depuis plus rien.

Le texte du livre CHINE, 1948-1949/1958 est, à ma connaissance, le meilleur des antidotes au HCB = Instant décisif. Étiquette qui lui colle toujours à la peau et contribue à l’image d’un photographe dogmatique et vieillissant. Pourrait-on dire qu’il est le photographe de reportage le plus célèbre et en même temps le moins compris ? À bien y regarder, il me semble qu’Henri est toujours, et sur tous les niveaux (diversité des styles, capacités narratives, imagination et habileté à improviser à partir d’un sujet, utilisation des mots) en avance sur les autres photographes de reportages. Une réédition des livres de Chine et d’U.R.S.S. est indispensable pour faire sentir cela à de nouvelles générations. De légers changements dans les mises en page suffiraient. Un editing sans prise de risque, « neutre », ne servirait qu’à appauvrir la force que les images tirent de leurs relations d’interdépendance.

. Mort à crédit - D’un château l’autre - Nord Louis-Ferdinand Céline

. L’ami commun Charles Dickens

. Barry Lyndon Stanley Kubrick

. Sunny Taiyo Matsumoto

. Ponyo sur la falaise Hayao Miyazaki

. Inside Mœbius Jean Giraud Mœbius

. Le Dit du Genji Murasaki Shikibu

. Heidi Isao Takahata

J’adore les histoires où l’on voit des personnes changer. À commencer par Céline. Il excelle à prendre appui sur ses expériences personnelles pour dire la vie. Cette capacité à nous faire rentrer dans sa tête m’a toujours étonné. Des années plus tard, j’ai découvert chez Stanley tout ce que je ne trouvais pas chez Céline : « Un jour Fellini dit à propos de Stanley Kubrick une chose surprenante. Il dit qu’il l’enviait. Qu’il l’enviait beaucoup. Et il expliqua tout de suite pourquoi. “Kubrick — dit Fellini — peut raconter toutes les histoires qu’il veut sans pour autant cesser de se raconter lui-même. Moi, au contraire, je suis condamné à une sorte d’éternelle autobiographie.”». La rencontre des œuvres de Céline et Kubrick dans ma vie a ouvert des portes que j’explore toujours : deux façons radicalement contraires et complémentaires de faire sentir son existence au monde.

J’ai décortiqué dans les moindres détails Ponyo sur la falaise afin de chercher par quels moyens Miyazaki adaptait son cinéma pour de jeunes enfants. La conclusion c’est qu’il ne laisse rien passer. Miyazaki est l’un de ces rares adultes à ne pas prendre les enfants de haut.

L’Ami commun, Dickens à son plus haut niveau. Dans ce roman, une immense diversité de personnages, des plus pauvres aux plus riches, des plus admirables aux plus haïssables, se retrouvent liés par le génie narratif de l’écrivain, avec comme contexte une ville, Londres. C’est l’une des grandes influences de la Fresque.

Avec la Fresque je me suis sans cesse posé cette question : comment, à partir d’un seul point de vue, faire de la place pour les autres ?

Les rapports que la photographie permet de créer avec le monde sont très variés. Je souhaiterais explorer en profondeur ceux qui sont à ma portée. Les cinq parties qui constitueront Les fleurs qui regardaient déjà seront dédiées à cela.

. Donuts J. Dilla

. Time Out of Mind Bob Dylan

. Syro Aphex Twin

Bob à propos de la musique de Time Out of Mind : « Je voulais des morceaux qui traversent la technologie et qui sortent de l’autre côté avant que la technologie ne sache ce qu’ils font ».

La Fresque est une œuvre de photographie numérique. J’ai travaillé le livre et l’exposition spécifiquement pour faire sentir sur la page et le tirage, la nature numérique de mes photographies, essayer de transposer l’écran en papier. InDesign est ma MPC3000 à moi.

Je ne considère pas que mes photographies « n’existent vraiment » qu’à partir du moment où elles sont imprimées. L’écran est un support qui vaut le papier. Il faut simplement savoir sculpter les photographies pour lui.  J’expérimenterai cela dans le Jardin à histoires.

Je suis fasciné par la longue série de transformations nécessaires à une photographie pour exister. Depuis la lumière du soleil sur une rue de Tripoli à la page que vous tenez dans les mains. La scène éclairée, vue par les yeux, puis par l’œil, cadrée, bientôt fixée, passant par l’objectif et le génie technologique de l’appareil, de l’ordinateur, du logiciel, etc. Bien loin de vouloir toutes les comprendre, ces transformations sont à mes yeux aussi belles et mystérieuses qu’un conte millénaire arrivant après tant de différentes vies dans nos oreilles.

FRESQUE-DE-
TRIPOLI-
ŒUVRES-PARTENAIRES